doomiaadama

“ Pour les enfants qui s’ébattent au clair de lune, mon conte est une narration fantastique. Pour les pileuses de coton pendant les longues nuits de la saison froide, mon récit est une délectation, un passe temps fait à plaisr. Pour les mentons velus et les talons rugueux, c’est une véritable révélation. Je suis donc à la fois futile, utile et instructeur”“Au pays de Kaïdara de Amadou Hampaté Ba Vous le devinez déjà, nous allons conter sur ce blog.

Wednesday, June 28, 2006

LA PAROLE, LE MOT, LE CONTEUR ET LE VERBE

LA PAROLE EST FRUIT...
Et le sage de Bandiagara,Amadou Hampathé Ba de nous souffler à l’oreille : “ La parole est un fruit dont l’écorce s’appelle “bavardages”,
la chair “éloquence” et le noyau “bon sens”. En donnant à l’homme
le verbe, Dieu lui a délégué une part de sa puissance créatrice. C’est par
la puissance du Verbe que l’homme lui aussi crée. Le conteur, apprenti-maître (6) du mot, sait faire vivre le conte aux spectateurs par ses tons de voix, ses gestes, ses expressions, ménage les temps forts et les temps faibles du récit, tenant toute une foule en haleine.

Léopold Sédar Senghor
"...Ma tâche est d 'éveiller mon peuple aux futurs flamboyants.
Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole ! " Extrait de Poèmes " Hosties Noires" Éditions du Seuil .


UN PEU D'HISTOIRE
Le conteur est un animateur au vrai sens du mot. Mais plus que la simple qualité d'animateur, il a aussi une connaissance psycho-sociologique poussée de son auditoire qui lui permet à la fin de chaque conte de l'amener à discuter sur le ou les messages qu'il vient de lui livrer.
Car, “Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est "construit” avertit Gaston de Bachelard . Discussions houleuses, où l'allégresse de la découverte du caché derrière les paroles fait remuer d'un rire sincère toute une foule massée au “Penc” (place centrale du village). L'éducation est là: ces gens apprennent dans la joie les vérités premières de la vie que sont dialoguer, discuter, s'entendre, le tout dans l'expression la plus profonde de sentiments sincères de leur être tout entier. Etre conteur exige des qualités au dessus du commun des mortels. Le conteur est un artiste au vrai sens du terme, qui apprenait son rôle, puisqu'il s'agit bien de rôle dans les sociétés traditionnelles et avec l'expérience des foules, devenait un orateur rompu à tous les genres d'auditoire. Avec la vertu onirique du conte, il devient, dès qu'il commence son récit, tous les personnages de son conte tout en restant conscient de sa position de transmetteur, d'animateur et de facilitateur.
La force réelle du conteur réside alors dans ce "no man's land" situé entre le rêve où il entraîne son auditoire et la réalité dont il a encore conscience. Il est à la fois créateur acteur et spectateur. Ces qualités que l'on rencontre encore chez certains griots détenteurs de ce savoir ont fait du conteur un personnage important de par le passé.
Le conte tout comme la poésie, doit être écouté ressenti, savouré, apprécié et conservé: et c’est ici que se pose le problème de la transcription des contes, la difficulté du passage de la communication orale à la communication écrite. Cette transcription accompagnée d’une traduction offre certes l’avantage de préserver les contes de l’oubli mais leur enlève aussi leur vraie substance en dénaturant leur saveur.

Et Toni Ferman de dire dans la préface de son livre de contes africains “Bury my bones but dont forget my words”- A tale in a book is like a drum in a museum; it’s silent, it’s there doing nothing, it’s dead. A tale is for joy, for singing, it’s for laughters.”
(Un conte dans un livre c’est comme un tam-tam dans un musée, il est silencieux, il n’est là pour rien du tout, il est mort. Un conte est fait pour la joie, pour être chanté, faire éclater de rires)


LA MAGIE DU VERBE
Car le mot , qu’on le sache est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant;
La plume qui d’une aile allongeait l’envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure.
Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu.
Face de l’invisible, aspect de l’inconnu;
Créé par qui ? Forgé par qui ? jailli de l’ombre.
Montant descendant dans notre tête sombre
Trouvant toujours le sens comme l’eau le niveau
Formule des lueurs flottantes du cerveau...
O main de l’impalpable ! Ô pouvoir surprenant !
Mets un mot sur un homme, et l’homme frissonant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde :
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde
Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses moeurs, ses dieux, s’écroule sous le mot
Cette toute puissance immense sort des bouches.
La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches.
Le mot dévore et rien ne résiste à ses dents,
A son haleine, l’âme et la lumière aidant,
L’obscure énormité lentement s’éxfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie :
Caton a dans les reins cette syllabe : NON... Oui, tout-puissant !
Tel est le mot. Fou qui s’en joue !
Quand l’erreur fait un noeud dans l’homme, il le dénoue
Il est foudre dans l’ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur.
Et Balthazar chancelle et Jéricho s’écroule.
Il s’incorpore au peuple étant lui même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu;
Car le mot, c’est le Verbe et le Verbe, c’est Dieu.
Victor Hugo

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