doomiaadama

“ Pour les enfants qui s’ébattent au clair de lune, mon conte est une narration fantastique. Pour les pileuses de coton pendant les longues nuits de la saison froide, mon récit est une délectation, un passe temps fait à plaisr. Pour les mentons velus et les talons rugueux, c’est une véritable révélation. Je suis donc à la fois futile, utile et instructeur”“Au pays de Kaïdara de Amadou Hampaté Ba Vous le devinez déjà, nous allons conter sur ce blog.

Friday, December 15, 2006

ESPRITS A MER

Ils marchent, mangent et dorment
Ils s’échinent au labeur du matin au soir
Quand ils trouvent, une occupation quotidienne
Quand ça coince, c’est la galère
Ils se démènent comme de beaux diable
Et soudain l’océan a fait tilt !
Leurs esprits sont allés à la mer.
Certains se sont alors dits tard la nuit
Une roulotte est une loterie après tout
On gagne ou l’on perd
Surtout quand c’est la russe
Le ciel a fait son temps il y a bien longtemps
Leurs esprits sont en mer
Et leurs corps sont sur la tere.
Ils versent leurs sueurs et leurs sangs
Aux passeurs bourreaux fantômes
Leurs esprits amers
Des Titanics en bois remplis de bouts de bois d’ébène
Partent par des nuits sans lune
Sous le froid regard de complices repus
Ils chantent, crient et dansent
Mais jamais personne ne chante
Ni ne danse en vue de sa propre fin.
Ailleurs, que de rêves brisés l’océan a régurgité
Des littorals de Mboro à St Louis,
De la grève du Cap Roxo, de Noukchott à celle des Canaries
De jeunes nègres petits fils de tirailleurs ou d’anciens combattants
Fatigués d’attendre sur la rive sud que s’accomplissent leurs destins
En vagues successives et en lames de fond comme le dernier tsunami d’Asie
S’échouent en naufragés de l’immigration aux confins de leurs désirs
Bras en croix, le regard aux cieux, le corps couverts d’algues marines
Leurs esprits sont en mer
Ils offrent leurs corps aux vautours sans "sutura"(1) qui les mitraillent et les figent en digital
Et les donnent le soir aux calfeutrés hagards du journal télévisé du soir.
Qui s’empressent de zapper pour le feuilleton mexicain
Des familles pleurent, font des prières ou passent des appels
D’autres murmurent ou se mobilisent
D’un bout à l’autre du monde
On s’inquiète et l’on s’interroge
Comme d’habitude : Pourquoi sont-ils donc partis au suicide?
Les gouvernants menacent les passeurs et leurs complices
Emprisonnent les fauteurs et les acolytes
Gare à vous immigrants clandestins revenus
Surtout ne recommencez plus
Rentrez chez vous, tout ira mieux
L'événement fait la Une de tous les journaux
Dans les mosquées, églises ou bois sacrés
Les prêcheurs s’y mettent pour un coup de frein à l’hécatombe
En sermonant ceux qui sont restés sur le quai.

La clameur se gonfle, s’amplifie et du ciel nous contemple
Dans toutes les cérémonies rythmant nos vies quotidiennes,
Des marchés Sandaga, Hlm, Castors, Gueule tapée ou Syndicat
Dans les "luuma"(2) de Dakar ou de Diaobé
Des marchés du Lundi au dimanche partout dans ce pays,
Des "daara" (3) de Pire Sagnakhor à Coki
De l'Ucad à l'Ugab
En passant par Dakar Bourguiba
De l'Uhamb au Sahel
Par le détour de Suffolk University blotti à l'Enéa
Dans les instituts et centres privés de formation
Comme dans les lycées, collèges et écoles
Dans les Dem Dikk, car rapide, Njaga Njaay,Tata,
Dans le Dakar Bamako ou le train bleu de banlieue
Taxi jaune noir ou bars-dancings, stades ou stadiums,
A l'aéroport léopold Sédar Senghor de Dakar,
Sur les chantiers de celui de Blaise Diagne à Ndias,
Dans le hall, sur le tarmac ou à bord des aéronefs,
Au port de Dakar où des bâteaux accostent ou prennent le large,
Au quai de Gorée ou à la Maison des esclaves,
Où Joseph Ndiaye encore émeut ses visiteurs,
Sous les arbres à palabres des villages,
Dans grands places, gares et gares routières de nos villes,
Dans les ateliers de tailleurs ou d'autres artisans,
Bijoutiers, cordonniers, couturiers,
Tailleurs, coiffeurs ou cireurs,
Paysans, pêcheurs et éleveurs,
Fonctionnaires ou travailleurs temporaires,
Dans les communautés de la diaspora noire
Des Amériques, de l’Europe ou de l’Asie,
De l’Océanie à l’Afrique,
Du Cap Vert à Madagascar,
De Casablanca au Cap,
Tout le monde parle, discute et s'accorde
Qu'il faut absolument arrêter cette saignée là !
Ces jeunes bras ont droit à un avenir autre que celui là!
Et qu’il faut malgré eux tous les sauver.
L’Europe au grand trot arrive en renfort
Il y aura des avions et des hélicos dans les cieux
Des vedettes et patrouilleurs croiseront en mer
Le long des côtes du vieux continent,
De même qu’au large de la Terre mère.
Plus une pirogue vers «Barça ou Barsàq» ne passera
Parents d’ici ou de la diaspora,
Amis d’ailleurs et voisins d’à côté
Dormez tranquilles, c'est promis !
Plus jamais de victimes vous ne pleurerez
Que ce Tsunami silencieux nous aura ravies.
Et pourtant cette mère, ces fils et filles
Ce père, ces amis, ces voisins ou ces frères et sœurs
Des collègues, compagnes qui tous les soirs pleurent en silence
Là bas à «Benn baraque» de Yeumbeul en banlieue
A Boune, Keur Massar ou Malika;
A Thiaroye sur Mer,Yoff, Yarax,
Ngor, Cambérène, Parcelles ou Grand Yoff,
Fongolembi, Mbour, Thiès, Dakar
Ziguinchor, Tambacounda, St Louis,
Matam Podor, Louga, Diourbel,
Diamaguene, Pikine, Guédiawaye,
Guinaaw rail, Mbao, Passy,
Kayar, Kaolack, Djilor ou Sokone
Keur Mbaye Fall, Bargny, Rufisque, ou ailleurs en ce pays,
Tous ont cassé leurs tirelires pour ces voyages souvent sans retour
Qui en ont vu plus d'un à jamais disparâitre.
L’esprit à mer des bouches amères englouties en mer,
Qui nous accusent tous sans exception,
De n’avoir pas su écouter leurs appels désespérés
Qu’ils s’égosillaient par les"Ndëpp"(4) de leurs Raps
Déversés tous les jours dans nos sourds oreilles d’adultes
Quand nous croisions l’épée par nos discours politiques
Alors que nos fils, nos filles et petits fils
Nous tiraient le boubou ou la camisole
Sans cesse désignant de leurs doigts
Leurs ventres creux de gamins innocents
Que la faim et la soif tenaillaient
Déjà depuis bien longtemps.
Le Tsunami de l’immigration Africaine
Déferle sur l'Europe qui a peur
Mais Mr Sarkozy après "la choisie"
Nous promet la "maîtrisée"
Et ce matin, 400 sont arrivés là bas au Canaries
Le jour d'avant, ils étaient au nombre de 600.
Immigration, migration
La plaie béante de l'Afrique et des pauvres
Qui s'offre aux regards de la planète toute entière
Depuis bien longtemps lassée d'un film déjà vu et revu
Il faut de toute urgence soigner la plaie.
Peuples, gouvernants et richards,
Demain, au crépuscule
Les rangs de ces pauvres jeunes et victimes
Ne doivent plus à nouveau grossir encore aujourd'hui.
Maam Daour Wade
(1) Sutura : La discrétion en Wolof
(2) Luuma : Marché hebdomadaire en milieu rural sénégalais
(3) Daara : Ecole d'enseignements coraniques au Sénégal
(4) Ndëpp : Cérémonies d'exorcisme pratiquée par la communauté lébou (pêcheurs) du Sénégal.

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